90 % des gens sont cons. Vous avez vos chances. Gardez-les mais ne les
ruinez pas. Etre con est salutaire. Avoir l'air con est rhédibitoire.
Soyez assez intelligents pour saisir la nuance.
Premier exercice : Comment ne plus avoir l'air con.
a) Le con parle pour ne rien dire. Ne dites rien. Vous ne direz
rien
d'intelligent, mais ça vous empêchera de dire des conneries. Vous y
gagnerez. Au lieu de dire : « Quel con ! », votre interlocuteur se dira:
« Joue-t-il au con ? » C'est un premier point.
b) Si vous avez vraiment envie de parler, ne vous retenez pas.
Dites vos
conneries. Et concluez : « Bon, j'arrête de déconner ». Votre
interlocuteur se dira : « Il joue au con ! ». C'est un deuxième point.
Deuxième exercice : Comment avoir l'air intelligent.
- Vous avez à votre disposition une série de mimiques qui donnent
inévitablement l'air intelligent. Soyez assez cons pour les copier sans
complexes. a) L'Air entendu : repérez la personne intelligente. Si vous êtes
dans
un groupe de dix, il y a neuf cons, dont vous. La personne intelligente,
c'est celle qui vous semble bizarre. Dès quelle dit quelque chose de
bizarre, faites comme si vous compreniez. Même si vous n'y comprenez
rien, les autres auront l'air plus cons que vous. b) L'Air pénétrant : pensez très fort aux contraventions, aux
impôts, à
votre bagnole emboutie. N'en parlez surtout pas, ça ferait con. Mais
pensez-y. Si vous êtes vraiment très con, ça ne vous donnera pas l'air
intelligent. Mais l'air emmerdé fait toujours bien quand on ne donne pas
ses raisons. c) L'Air pénétré : même exercice que le précédent mais avec un
compas
dans le cul. Avantage : donne une dimension souffreteuse.
- Vous avez aussi à votre disposition une série d'attitudes. d) Le penseur de Rodin : asseyez-vous. Mettez votre poing fermé
sous
votre menton et regardez dans le vide. C'est radical. Même si vous ne
pensez à rien (ce qui est normal pour un con), il se trouvera toujours
un autre con pour vous dire « A quoi penses-tu ? ». e) L'Air du type qui n'en pense pas moins : on développe devant
vous
une théorie saisissante. Vous n'y comprenez rien. Reportez-vous au petit
a) : l'air entendu . Pour corser, ayez l'air non seulement de
comprendre, mais d'avoir votre idée pas con là-dessus. Appliquez le
petit b) : l'air pénétrant. f) Le rictus de connivence : hochez un peu la tête de bas en haut.
Appliquez l'air pénétré (le compas vous aide à crisper finement les
maxillaires).
- Méfiez-vous des révélateurs involontaires de votre connerie ! g) Surveillez votre regard. Votre oeil vide et sans vie vous
trahit. Par
définition, vous êtes trop con pour avoir la pupille pétillante. Ne vous
laissez pas abattre. Gardez l'oeil fixe. h) Fermez bien votre bouche. Rien ne fait plus con qu'une bouche
entr'ouverte. Maîtrisez-vous : ne mâchez plus de chewing-gum. Si vous
êtes trop con pour exécuter en même temps les exercices oeil fixe -
bouche close, utilisez le truc de la cigarette : tirez sur votre mégot
et fixez la fumée.
Troisième exercice : Comment passer pour quelqu'un d'intelligent. a) Ne perdez pas votre temps à lire des livres intelligents, à voir
des
films pensés... Vous n'y comprendrez rien et ça vous déprimerait. Lisez
plutôt des critiques intelligentes. Apprenez-les par coeur et changez
quelques mots. Exemple : « Ce film a la beauté désertique d'une douleur sans fin »
devient « Ce film a la beauté squelettique d'une couleur sans teint ».
Vous ne plagiez pas vraiment et vous gagnez en hermétisme. L'hermétisme
est le secret de ce troisième exercice.
Quand vous dites des conneries, dites des conneries incompréhensibles.
Les cons les prendront pour des finesses qu'ils ne comprennent pas et,
double avantage, les gens intelligents se sentiront cons. b) Ne faites jamais de citations. Ça fait très con. Appropriez-vous
les
carrément. Mais attention, ne faites pas le con ! N'utilisez pas des
citations trop connues. Si un autre con vous dit : « C'est de toi ça ?»,
ne prenez pas l'air confus. Ne doutez pas de vous. Votre connerie
native vous y aidera.
Voilà. Maintenant, vous passez à peu de frais pour quelqu'un
d'intelligent. Méfiez-vous ! Des gens intelligents vont venir vous poser
des questions intelligentes. Vous allez être con pour y répondre.
Comment
faire ? Renvoyez la balle : « Pourquoi me poses-tu cette question ? »
Quand vous ne pouvez plus la renvoyer, affrontez l'adversaire. Utilisez
les quelques célèbres formules qui répondront pour vous : par ordre
chronologique :
- Tu vois ce que je veux dire... (la formule qui sauve)
- Il me semble que tu limites le problème... (l'autre a l'air con)
- Tu crois vraiment ce que tu dis (l'autre a l'air hypocrite) ?
- C'est tout ce que tu trouvez à dire, ben merde (l'autre a l'air
limité) !
- Tais-toi, tu m'atterres ( l'autre a l'air très con).
S'il se tait, vous avez gagné.
Ultime traquenard : la tentation de l'intelligence véritable. Attention
!
Ne tombez pas dans ce panneau démoniaque ! Les gens intelligents sont
malheureux. Ils ont compris qu'on était là pour vieillir et crever.
Avant, il n'y a rien, après non plus, et pendant, on en chie.
Comprendre, c'est perdre les avantages du con. C'est connaître le doute,
la solitude, la marginalité odieuse, l'insomnie, l'angoisse, les
battements de coeur, la souffrance. Et tout ça pour rien puisque vous
serez toujours un con. Surtout, ne changez pas. Soyez assez intelligents
pour rester cons. Et longue vie.